La peur est incontestablement l’une des émotions les plus fondamentales chez l’être humain. Elle est inscrite dans les profondeurs du cerveau. Ces phobies conditionnent fortement nos choix. Il se trouve que Spinoza nous a légué une philosophie qui constitue le meilleur des remèdes pour surmonter nos peurs et retrouver toute notre puissance d’action. C’est la connaissance. C’est elle qui constitue le seul remède contre la peur, car en prenant connaissance des causes qui nous déterminent, nous nous libérons de la crainte engendrée par l’ignorance. Grâce à une telle philosophie, nous prenons le pouvoir de ne plus être soumis à la peur. Si l’on accepte que la peur est ce que l’on ne connaît pas, le savoir s’impose logiquement comme le remède contre les peurs. Ainsi, la science, la connaissance des choses, la pratique nous libère de la peur : la foudre cesse en grande partie d’être effrayante dès lors qu’on en a une connaissance scientifique. À l’inverse, l’avenir étant, par définition, inconnu dans une large mesure, il est l’une des grandes sources de nos peurs. La peur est donc une émotion ressentie généralement en présence d’un danger ou d’une menace qu’on ne connaît pas.

D’un point de vue neurologique, la peur est essentiellement une activation de l’amygdale (ensemble de noyaux au niveau des lobes temporaux) qui peut entraîner une inhibition de la pensée et prépare l’individu à fuir ou à se défendre. Elle n’est donc rien d’autre que « la crainte qui dispose un homme à éviter un mal qu’il voit venir par un mal moindre, ce qui peut l’amener à la catastrophe ». En effet, la peur introduit une dimension stratégique de calcul d’intérêt. Si l’avare vit dans la hantise de la pauvreté, il n’accumule son trésor que pour conjurer sa peur de devenir pauvre. Craignant de dépenser ou de risquer son argent, l’avare finit par vivre comme un pauvre et peut même finir par se ruiner en ne faisant pas fructifier son capital. De même, l’ambitieux est obsédé par la gloire et vit dans la peur de la honte. Pour éviter la honte, il préférera la réserve à la gloire et finira par renoncer à toute entreprise ambitieuse.

À l’inverse, l’éthologie (l’étude scientifique du comportement animal en milieu naturel) nous livre une toute autre vision de la peur : elle est non seulement utile, mais parfois vitale, au point d’être un élément déterminant dans la sélection naturelle. Ainsi, les animaux qui ont peur de leurs prédateurs fuiront plus tôt que les autres et auront donc plus de chances de survivre. La peur est donc à l’origine de certains comportements vitaux. Dans un autre registre, mais dans la même logique, craindre de rater un examen incitera peut-être l’étudiant à travailler. Craindre une amende poussera peut-être le conducteur pressé à respecter les limitations de vitesse. La peur de la mort elle-même m’obligera peut-être à donner un certain sens à ma vie.

La crise sanitaire de COVID-19 a généré de la peur chez des millions de femmes et d’hommes sur la planète. Cette peur devrait enseigner à chacun qu’il faut se recentrer sur l’essentiel de la vie. Enfin, on peut se poser la question de savoir si la peur est un sentiment dont il faut se débarrasser ou si nous ne devons pas plutôt faire le tri entre nos « bonnes » et nos « mauvaises » peurs.

Marrakchi Mourade

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