« Territoire perdu de la République », « Territoire islamisé », « La charia a remplacé les lois de la République dans certains quartiers… », « Séparatisme », « Trapistan » : voilà, depuis quelques semaines, la toile de fond principale tant médiatique que politique.

L’opiniâtreté de ceux qui répètent ces mantras invite à la réflexion. Est-il conspirationniste de déclarer que l’intégrité de notre territoire est menacée ? Que les pouvoirs publics sont gravement compromis par des « islamistes » et des « racailles » en tout genre, créant le dysfonctionnement dans lequel nous vivons ? Lorsque l’on suit la logique de ceux qui dénoncent quotidiennement cet « état de guerre » et soutiennent le projet de loi contre le séparatisme, ne devraient-ils pas, la main sur la Constitution, appeler à l’application de l’article 16 de celle-ci ?

Le boulevard est pourtant dégagé. Le Président de la République peut prendre les mesures nécessaires si « les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire (…) sont menacées de manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu… ». Cette mesure confère au Président des pouvoirs exceptionnels et les moyens nécessaires pour reconquérir, par exemple, les prétendus « territoires perdus de la République ». À cela s’ajoute une procédure de destitution, conforme à l’article 68 de la Constitution, qui peut être engagée par les parlementaires s’ils estiment que le Président de la République ne garantit plus l’intégrité du territoire.

Ce constat est fait quotidiennement par une grande partie de nos parlementaires, sans toutefois qu’il soit suivi de courage politique. Dans le même temps, les journalistes des médias mainstream hurlent sur tous les plateaux de télévision que notre pays est gravement en danger, mais ne semblent pas prêts à céder au Président de la République un « Senatus consultus de re publica defendenda » dans sa version moderne.

Graffiti réalisé par les artistes Zag et Sia à Paris, le 1er mars 2016. ©AFP - Joël Saget

Deux hypothèses s’imposent alors :

  1. Soit la situation relayée est totalement exagérée, et dans ce cas, certains membres du pouvoir législatif et exécutif cherchent délibérément à occulter, par le biais du débat sur les questions identitaires et sécuritaires, leurs échecs face aux problèmes sociaux.
  2. Soit la situation est effectivement dramatique, et dans ce cas, le Président de la République ainsi que les parlementaires manquent à leurs devoirs. Le Président en n’exigeant pas la mise en application de l’article 16 de la Constitution, et les parlementaires en n’engageant pas une procédure de destitution devant la Haute Cour, ou en n’offrant pas leur place à des citoyens prêts à sacrifier leur avenir politique pour le bien de la France.

Il en ressort donc que dans les deux cas, il y a une incohérence fondamentale entre les paroles et les actes.

On peut dès lors en déduire que le « projet de loi contre le séparatisme » n’avait pas pour objectif de résoudre les problématiques qu’il dénonce, mais plutôt de mettre en place des tactiques politiciennes usées, notamment dans le cadre de l’élection présidentielle, pour fragmenter et diviser le peuple français. Ce scénario se déroule sous nos yeux. Il semblerait que ceux qui exercent le pouvoir sur le peuple alimentent délibérément un discours identitaire bien rodé afin de faire oublier que la véritable menace, c’est que nos représentants nationaux ne s’accordent plus avec l’intérêt supérieur de l’État. Les prises de parole et de position sont systématiquement simplistes, sélectives, partiales et incomplètes, dans l’espoir de susciter des réactions qu’ils jugeront ensuite « séparatistes »…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *